La pomiculture au Québec
Jude Dumoulin (photo ci-haut), pomiculteur, est né sur la terre agricole que ses fils exploitent aujourd'hui.
On attribue à Louis Hébert, célèbre apothicaire, la culture des premiers pommiers du Québec durant la première moitié du XVIIe siècle. Les arbres proviendraient de Normandie (1). Au XIXe siècle, petit à petit, la pomiculture se développe en sol québécois et les premiers vergers font leur apparition. En 1894, à Saint-Paul-d'Abbostford, la Société de la pomologie et de la culture des fruits dans la province de Québec est fondée. Trente-six ans plus tard, elle regroupe plus de 350 membres provenant de différentes régions, notamment des Basses-Laurentides (2-3).
À la même époque, la Mac Intosh, une variété créée en Ontario par John McIntosh et aujourd'hui bien connue du grand public gagne en popularité chez les pomiculteurs. De ce fait, l'intérêt pour les variétés anciennes telles que la Fameuse diminue (4). Bien que la Mac Intosh soit plantée à grande échelle, on demeure (ou on devient, tel que vous le verrez dans l'extrait audio) conscient de l'importance d'une certaine diversité...
La visite de Jean-Marie Lespinasse
En 1985, Jean-Marie Lespinasse, technicien en arboriculture fruitière et chercheur à l'Institut national de recherche agronomique de France, vient donner une formation portant sur la conduite du pommier dans les Basses-Laurentides. Cette visite sera particulièrement marquante. Invité par Roland Joannin, jeune conseiller pomicole, Denis Lauzon, directeur du Centre de formation agricole de Deux-Montagnes, et le MAPAQ, le chercheur visite une douzaine d'exploitations au cours de son séjour.
En plus de discuter de la taille des arbres, il souligne l'importance de prévoir une évolution variétale en pomiculture. Il offre à Roland Joannin de lui fournir du matériel végétal . Durant l'hiver 1986, Jean-Marie Lespinasse envoie au conseiller une première collection variétale qu'il a choisie spécialement à cet effet. Il faut alors trouver un endroit pour accueillir cette série de pommiers...
Jean-Marie Lespinasse (au centre de la photo) en pleine démonstration, hiver 1985.
La création de l'organisme
L'idée de créer un petit regroupement germe chez Roland qui en fait part à quelques producteurs...
Roland Joannin à la conférence de presse annonçant le brevet de Rosinette, septembre 2014.
Plantation de la première parcelle
La première parcelle de La Pomme de demain est installée chez Gilles Desrochers, pomiculteur de Saint-Joseph-du-Lac et membre fondateur du regroupement. On y retrouve notamment la NJ75, un hybride du New Jersey caractérisé par son architecture remarquable et sa forte productivité.
En 1987, Roland Joannin souhaite agrandir la collection variétale de La Pomme de demain. Pour ce faire, il contacte la station de recherche Cornell dans l'état de New York. Il y fait un voyage d'études avec quelques producteurs et récupère des variétés qui lui paraissent adaptées aux conditions québécoises. Le conseiller sollicite également la station de recherche Summerland, en Colombie-Britannique, ainsi que la Pépinière Delbard et le chercheur Marcel Le Lezec de l'INRA d'Angers qui lui envoie une collection créée par des hybrideurs finlandais qui a une bonne rusticité (Melba x Lobo). C'est sur ces variétés qu'ont été faites les premières observations et comparaisons du collectif.
Entretien de la parcelle de La Pomme de demain, 1990.
Les membres de La Pomme de demain
La Pomme de demain fonctionne au départ sous la forme d'un "gentlemn's agreement", c'est-à-dire d'un regroupement reposant sur la bonne entente et la collaboration de ses membres. Cet aspect collectif et informel plaît bien aux producteurs qui adhèrent au groupe.
En participant à la fondation ou en rejoigant La Pomme de demain, les pomiculteurs souhaitent être en contact avec ce qui se fait ailleurs dans le monde en pomiculture et développer une ou des variétés propres au Québec. L'énergie et la motivation de l'animateur du groupe, le conseiller Roland Joannin, sont contagieuses.
Un groupe de pomicultrices et pomiculteurs en voyage d'étude à la station de Cornell, dans l'état de New York, 1987.
Les premiers croisements de La Pomme de demain
Au début des années 1990, Jean-Marie Lespinasse effectue une deuxième visite au Québec. Il suggère à Roland Joannin de faire ses propres croisements. Réticent au départ, l'animateur de La Pomme de demain décide de se lancer dans l'hybridation et fait une première série de croisements par semis de hasard. C'est de ces semis de hasard que naîtront la Rosinette et la Passionata.
En 1995, à la suite d'un hiver particulièrement rigoureux, la parcelle expérimentale doit être déménagée. Jacques Viau, pomiculteur de Saint-Joseph-du-Lac, accepte de l'accueillir. C'est là que Roland Joannin fait ses premiers hybrides de manière contrôlée et en assure le suivi. C'est une entreprise qui demande, du temps, de l'espace et de l'énergie, mais qui passionne l'hybrideur et pour laquelle les pomiculteurs démontrent de l'intérêt. Aujourd'hui, après plus de vingt ans d'hybridation, La Pomme de demain compte quatre parcelles dont deux dans le verger de Mario Viau, le fils de Jacques Viau, qui a repris l'exploitation familiale.
Hybride de la station de Cornell, dans l'état de New York.
Réunion des membres du collectif lors d'une dégustation des hybrides à l'automne.
Variété des Pépinières Delbar, en France.
Cette dégustation avait été réalisée à la garderie que fréquentaient les enfants de l'hybrideur à l'époque. Comme quoi, il n'est jamais trop tôt pour croquer!
Plantation de la quatrième parcelle de La Pomme de demain chez un pomiculteur de Saint-Joseph-du-Lac.
Le surgreffage est une technique consistant à greffer une nouvelle variété sur un arbre déjà existant.